Affirmer cela, c’est détourner le principe même de la laïcité. Cette dernière est tout sauf un pilier identitaire. Face à ce procédé de détournement et de rétrécissement de la laïcité qui voudrait que les religions – et en particulier l’islam – portent atteinte au vivre-ensemble, il convient de préciser qu’il s’agit, au contraire, d’un principe politique émancipateur fondé sur la liberté de conscience de chacun [lire encadré]. La laïcité vise à l’exercice du pouvoir par le peuple et ce, à l’abri de toute tutelle politique, religieuse et de toute confiscation idéologique. Elle doit garantir le droit des femmes et des hommes, quelles que soient leurs situations, leurs convictions, leur religion s’ils en ont une, à conduire leur existence comme ils l’entendent. Non, la laïcité ne signifie pas l’éradication des religions ni la relégation de leurs expressions dans un espace soi-disant privé. Une vieille rengaine qu’il convient ici de démonter.
Car dire cela reviendrait à affirmer que tout serait donc permis derrière les portes de son appartement. Une notion du « privé » qui renvoie en fait à celle de « domestique » et qui a largement été combattue par les féministes dès les années 1970. De « privées » à « domestiques », ces sphères seraient alors considérées comme des zones de liberté absolue et donc des zones de non-droits. Des « angles morts de la société », selon Pierre Dharéville, qui deviendraient les ferments de toutes les violences et de tous les fanatismes. L’inverse même des lois de la République qui font de la protection de l’individu la première condition de l’élaboration de l’intérêt général. La République n’a donc rien de bon à attendre d’une foi imposée en privé et refoulé e en public. C’est même le meilleur moyen de favoriser l’irruption de mouvements aux revendications communautaristes fortes et de voir ces dernières
instrumentalisées et portées dans l’espace public.
C’est pour cela que la laïcité garantit la liberté de culte – dans le respect de l’ordre
public – tout en réaffirmant la liberté de conscience de chacun, ne plaçant aucune opinion au-dessus des autres, construisant ainsi l’égalité républicaine. Cette même égalité qui stipule, pour les religions autant que pour les partis politiques ou les structures syndicales et associatives, que chacun a droit à l’expression publique dès lors que celle-ci n’empiète pas sur les autres libertés des citoyens et n’impose pas ses vues à l’ensemble de la société.
Les 73 affirmations relatées et contrecarrées dans ce livre ressortent de conversations quotidiennes, trouvent de l’écho chez les salariés, les jeunes et les milieux populaires.
Dans une France et une Europe traversées par une crise sociale et économique aigüe, l’extrême droite et son parti en France, le Front national, sont de plus en plus compris comme un parti de protestation contre l’iniquité social qui serait capable de réaliser une partie des promesses non tenues par les gouvernements successifs. De plus en plus de citoyens s’interrogent sur ces propositions, certains reprennent, souvent sans le savoir, des idées fausses. D’autres se demandent comment défendre au mieux les valeurs de la République.
Aujourd’hui, pour faire reculer l’extrême droite, il ne suffit plus de dénoncer ses dérives antirépublicaines, de combattre un clan et un parti politique, tout comme de s’en tenir à la posture de l’antifascisme.
Il faut s’atteler à combattre les idées fausses qui contaminent insidieusement nos discours, en les contrecarrant une à une.
Extraits de l’argumentaire du livre "En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite" de Pierre-Yves BULTEAU