Connaissez vous cette merveilleuse série "Person of interest" ? Non ? Bon, en quelques lignes, c’est une série basée sur deux merveilleux concepts chers aux scénaristes américains : le "gouvernement nous surveille" et la "petite équipe de super héros".
L’histoire est simple : un génie de l’informatique, Harold Finch, créé pour le gouvernement un super ordinateur, doté d’une intelligence artificielle hors norme, permettant d’intercepter toutes les communications via mail, réseaux sociaux, téléphones, caméras de surveillance, ... Ces informations sont traités grâce à des algorithmes puissants et donnent un résultat : un nombre. Ce nombre est soit pertinent, c’est à dire qu’il relève d’un risque terroriste pour les USA, soit il est non pertinent, c’est à dire qu’il y a bien un risque, mais que cela relève "simplement" des individus (Une personne va tuer et sera tuée).
A chaque début d’épisode, Finch déroule un texte pendant le générique qui pose bien le décor de sa machine et du concept :
« On vous surveille. Le gouvernement possède un dispositif secret, une machine. Elle vous espionne jours et nuits, sans relâche. Je le sais, parce que c’est moi qui l’ai créée. Je l’avais conçue pour prévenir des actes de terrorisme, mais la Machine voit tout, tous les crimes impliquant des citoyens ordinaires, tels que vous. Des crimes dont le gouvernement se désintéresse. Alors, j’ai décidé d’agir à sa place, mais il me fallait un associé, quelqu’un capable d’intervenir sur le terrain. Traqués par les autorités, nous travaillons dans l’ombre. Jamais vous ne nous trouverez, mais victime ou criminel, si votre numéro apparaît, nous, nous vous trouverons. »
Le gouvernement utilise la machine pour les risques terroristes, mais le créateur de la machine se refuse à ne pas traiter les nombres non pertinents et créé ainsi un duo pour sauver les individus. Lui et un "gros bras".
Plusieurs "gros bras" sont passés, mais là, c’est John Reese qui partage ses aventures. Accompagnés de plusieurs autres personnages récurrents, tout aussi cintrés les uns que les autres, vu qu’ils sont une sorte de force de frappe non officielle, mais bienveillante, utilisant des fonds de Harold Finch dont on ne sait pas trop d’où ils viennent.
John Reese : Joué par Jim Caviezel, ancien membre des forces spéciales américaines et agent paramilitaire de la CIA présumé mort. Reese possède des compétences dans l’utilisation d’armes, le « combat à mains nues » et les tactiques de surveillance. Ainsi qu’un sourire ravageur, semblerait il !
Il n’existe pas, son surnom est "l’homme au costume" car Finch l’habille chez un grand tailleur italien. C’est une machine à tuer, entraînée pour cela, ce qui conduira Finch à le canaliser. Il ne tirera ensuite que dans les jambes de ses adversaires.
Harold Finch : Joué par Michael Emerson, génie du logiciel et milliardaire, Finch a développé la machine. Il recrute Reese pour l’aider à sauver (ou arrêter) les personnes que la Machine identifie. Finch vit et travaille dans une bibliothèque abandonnée. Il a aussi subi des blessures sévères qui ont laissé des séquelles, notamment une incapacité à tourner la tête, une posture rigide et une tendance à boiter.
Pour l’anecdote, son ex compagne dans la série Grace Hendricks est jouée par Carrie Preston, vraie compagne de l’acteur dans la vie.
Lionel Fusco : Joué par Kevin Chapman, lieutenant de police pourri, faisant partie d’un clan d’autres flics pourris, violents et sans scrupules, il est récupéré par John Reese comme indic et infiltré et second couteau.
Au fil des épisodes, il gagne ses galons et le respect. Il devient très loyal envers la petite équipe et sera même le bras vengeur du tueur de Carter.
Jocelyn « Joss » Carter : Jouée par Taraji P. Henson, elle sera tuée à la fin de la saison 3. La relation chat / souris de la première saison entre elle et John conduira logiquement à une relation amoureuse, mais qui sera vite détruite par l’un des dirigeants du "HR", le groupe de ripoux de la Police qui la tue après qu’elle ait contribué à faire tomber le "HR". Elle n’est pas au courant de l’existence de la Machine ni du fait que Fusco travaille avec Reese et Finch, elle l’apprend juste avant de mourir. C’est le personnage le plus intègre de la série, presque sans côté noir, sauf quand elle décide de tenir sa vengeance contre le "HR" qui a tué son copain du moment.
Samantha « Sam » Groves alias « Root » : Jouée par Amy Acker, personnage trouble durant les 2 premières saisons, elle combat Finch et Reese, enlève même Finch, ce qui la conduira en hôpital psychiatrique. Mais durant son séjour, elle découvre qu’elle est en lien direct avec la machine, cette dernière en ayant fait son avatar dans la vraie vie, elle va aider Finch et Reese, même si elle continue sa vie, totalement dévolue à la machine et ses directives. Troublante car douée d’une intelligence hors normes elle aussi, elle a totalement acceptée d’être la marionnette de la machine.
Sameen Shaw : Jouée par Sarah Shahi, c’est un personnage aussi froid que Reese. Les deux partagent d’ailleurs une profonde blessure affective. Agent opérationnel chargée de traiter les « affaires pertinentes » pour le compte d’un organisme du Pentagone. Elle ne connaît cependant pas l’existence de la Machine puisqu’elle croit que les numéros qu’on lui communique viennent de salles d’interrogatoires à Guantanamo. Dans la saison 3, on apprend qu’elle a été chirurgienne, mais sans émotion, son ancien employeur l’a licencié pour sociopathie. Shwa est froide et méticuleuse. Comme Reese, Finch la canalise et elle aussi, arrête de systématiquement tuer ses adversaires, ce qui la frustre beaucoup au début. Elle entretient une relation complice et amicale avec Fusco. Beaucoup moins amicale avec Root, les deux filles sont visiblement attirées l’une vers l’autre. La saison 4 est un tournant dans leur relation.
Au début, cette série, je ne l’ai pas regardé. C’est Agnès qui m’a dit de m’y pencher. Et à vrai dire, elle doit faire partie des meilleures séries que les US nous ont envoyée. Bien entendu, on trouve les ingrédients classiques des séries américaines : la méfiance viscérale vis à vis du gouvernement fédéral, l’idée qu’on nous cache plein de choses, la croyance en des frontières poreuses entre le bien et le mal malgré une vision très manichéenne en général et l’internet est un outil au service du mal.
Tout cela est classique, mais là, dans la série, on trouve aussi de vrais personnages, avec une réelle épaisseur, des parcours de vie fracturés et humains, des sentiments et de la sensibilité sans tomber dans le mielleux [1] et la dose de violence qu’il faut pour tenir en alerte.
Là dessus, on saupoudre du contexte post 11 septembre et zou...
Mais pourquoi cela marche aussi en France ? Les "événements" de janvier 2015, tragiques et effroyables, n’ont pas atteint le degré d’horreur des attaques contre le World trade center.
Globalement, parce que le contexte y est favorable ! Les révélations d’Edward Snowden et les affaires wikileaks ont démontré qu’il existait une surveillance généralisée de la part des Etats des citoyens via leurs différents modes de communication. Et les scandales avec les géants du web aux USA ou en France contribuent à entretenir la méfiance.
Pour ceux qui penseraient que la machine n’existe pas, n’oublions pas que des systèmes similaires sont déjà en fonctionnement : TrapWire (États-Unis), Echelon (États-Unis), INDECT (Europe), PRISM (monde), XKeyscore (monde).
Et puis en France, on a franchi le pas. La loi sur le renseignement qu’on voté une infime partie des députés lundi n’est qu’un pas vers "la machine" et l’exploitation algorithmiques de nos données personnelles pour des raisons de sécurité d’Etat.
Un texte « nécessaire » et « équilibré » pour les uns, « dangereux » et « liberticide » pour les autres. Depuis sa présentation en conseil des Ministres il y a un mois, le projet de loi renseignement a fait l’objet de nombreux débats entre partisans et détracteurs.
Le projet de loi relatif au renseignement a été publié officiellement le 19 mars. Il doit moderniser les moyens des services de renseignement, notamment face au numérique. Pour le gouvernement, il s’agit d’une étape supplémentaire du renforcement de l’arsenal juridique après les attaques de Charlie Hebdo. Néanmoins, le projet ne limite pas à la lutte contre le terrorisme : il touche aussi à la prévention de la criminalité organisée, les « intérêts essentiels de la politique étrangère » ou « les intérêts économiques ou scientifiques essentiels ». Son but, assumé, est de légaliser des pratiques jusqu’ici illégales des agents de renseignement, afin de mieux protéger ces derniers. Le Figaro du 13/04/15
Relation avec la machine ?
Pour espionner un terroriste soupçonné, les services de renseignement pourront directement accéder aux « réseaux des opérateurs » pour récupérer les données relatives à cette personne : cela comprend les opérateurs télécoms, mais aussi les services en ligne (comme Facebook) ou les hébergeurs de sites. Les agents pourront aussi installer des « boîtes noires » chez les acteurs du numérique, destinés à repérer automatiquement les comportements à risque, même si elles n’ont pas de personne précise à surveiller. Elles contiendront des algorithmes chargées d’extirper les comportements suspects dans la masse de données qui transitent chaque jour sur Internet. Le Figaro du 13/04/15
Cette loi est dénoncée aussi bien par la Ligue des droits de l’homme qu’Amnesty International et Reporters sans frontières, ou encore le Conseil national du numérique.
Cette loi est mal écrite, les termes sont suffisamment flous pour être interprétables. Et qui plus est, elle légalise le fait de se passer du pouvoir judiciaire pour intervenir sur la vie privée des citoyens, la décision relevant du Premier Ministre, pouvoir exécutif. Entre les écoutes de Mitterrand, les arrangements de Sarkozy avec les journalistes, on s’interroge si des malhonnêtes venaient au pouvoir [Hum hum] et puissent utiliser ces outils de surveillance de masse pour des intérêts autres que terroristes.
Alors, je vous entend d’ici... "Moi, je m’en fiche, je n’ai rien à me reprocher"... Argument classique de ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
Alors pour ou contre, qu’en pensent les Français ? Quand il s’agit de lutter contre le terrorisme, plus de six Français sur dix sont favorables à une limitation des libertés individuelles, révèle un sondage CSA pour Atlantico publié lundi (*), premier jour de l’examen du projet de loi sur le renseignement.
Au total, 63% sont favorables à la limitation des libertés individuelles sur internet, notamment en surveillant les données de navigation des internautes, contre 32% de sondés opposés. Plus on est âgé et plus on accepte que les libertés soient rognées : près de la moitié des 18-24 ans sont contre, alors que les 65 ans et plus y sont très massivement favorables (76%). Les Echos du 13/04/15
Je n’ai rien à cacher, donc je ne crains rien ?
Chacun de nous a quelque chose à cacher. C’est pourquoi nous avons des loquets aux portes des toilettes, des rideaux aux fenêtres de nos chambres à coucher, et que nous ne souhaitons pas que notre employeur sache qu’on envoie des CV ailleurs. Rien de tout cela n’est illégal, et pourtant nous avons besoin de cette intimité. Encore un doute ? Envoyez-nous votre déclaration d’impôts, vos trois dernières fiches de paye et le mot de passe de votre compte email (c’est promis, on ne touche à rien !) pour que nous parlions de tout ça. :)
Au delà du fait qu’on change de paradigme en passant d’une surveillance des "potentiels dangereux" à la "population totale dans laquelle on peut éventuellement trouver de potentiels dangereux", globalement, on s’en fout. On s’en fout car on vit dans une société plutôt libre et on ne connait pas le totalitarisme. Donc, à la façon d’un enfant, on veut bien lâcher un peu la ficelle du ballon si on nous le demande. Benjamin Franklin parlait de l’opposition entre liberté et sécurité, il est clair que, sans heurts, et sans comprendre réellement les conséquences, on lâche un peu de notre liberté pour une soit disante meilleure sécurité. "Soit disante" car de l’aveu même des services de renseignements, une plus grande surveillance n’aurait pas empêché les attentats de janvier 2015.
Je vous invite à lire l’excellent dossier sur Numérama et les vrais / faux apports de la loi sur le renseignement.
Et si vous pensez que le fait d’utiliser des meta données suffisent à cloisonner vos informations personnelles,
Mais les boites noires ne vont scruter que les méta-données ?
Les méta-données, ce sont les données à propos des données. Dans un email, elles comprennent l’adresse de l’expéditeur, du destinataire, le type de document, sa taille, sa date d’expédition. Ces données, structurées, sont faciles à traiter par un ordinateur, bien plus facilement que les données non structurées comme un message vocal ou une image. Il est du coup très facile pour un ordinateur de croiser les méta-données pour comprendre ce que fait un individu. Prenons l’exemple d’une série d’appels téléphoniques dont on ne dispose que des méta-données. Un individu reçoit un appel d’un centre de dépistage du Sida. Il appelle ensuite son médecin, et trois personnes dont une seule qu’il a appelée récemment, puis SOS Amitié. On ne sait rien du contenu des conversations, mais on devine aisément ce qui se passe. Ni-pigeons-ni-espions
Alors, la série est peut être simplement ce que va devenir la société... Les films et séries d’anticipation ont très souvent bien portées leur nom...
Ma formation initiale est un parcours supérieur dans les sciences humaines et le travail social, car je place l’humain au centre de toutes mes réflexions et souhaits d’agir.Retour ligne automatique
Intéressé par l’insertion professionnelle à l’origine, mon intérêt pour le 19ième siècle et (…)