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Les syndicats s'alarment d'un "discours du FN qui porte"

Les centrales cherchent des moyens de rester les relais du mécontentement social face à la croissance du parti d'extrême droite.

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Publié le 13 septembre 2013 à 10h52, modifié le 13 septembre 2013 à 11h09

Temps de Lecture 4 min.

Plus qu'une inquiétude, un début de panique. La montée du Front national dans l'opinion publique semble affoler les centrales syndicales, bien souvent en première ligne dans les entreprises face aux discours frontiste. "C'est la première fois que j'ai vraiment peur en France que ça bascule. On est passé d'un discours de rupture du type 'tous pourris' à un sentiment d'adhésion aux thèses du FN", assure Mohammed Oussedik, membre du bureau confédéral de la CGT. "Lors des quatre meetings que nous avons fait dans toute la France début septembre, le sujet est à chaque fois revenu sur la table. Sur le terrain, on n'arrête pas de rencontrer des salariés qui votaient à gauche et qui disent qu'ils vont voter FN. Cela nous interpelle forcément", s'alarme sa collègue Agnès Naton.

Même son de cloche à la CFDT. "Le discours de Marine Le Pen prend un caractère social qui peut porter dans les entreprises. A cela s'ajoute les doutes sur l'Europe qui jouent beaucoup. Alors que nous avons toujours défendu la construction européenne, le fait que ça patine depuis quelques années fait forcément douter", explique Jean-Louis Malys, chargé de mener la lutte contre les idées du Front national au sein de la centrale de Belleville, à Paris. "Je le sens particulièrement dans la vallée de la Fensch", dit cet ancien du site Usinor (actuel ArcelorMittal) d'Uckange (Moselle), fermé au début des années 1990.

Une montée d'autant plus difficile à vivre pour ces cadres syndicaux qu'ils sont parfois, sur le terrain, mis dans le même sac que les politiques. "Il y a des discours du type : le politique est pourri, le syndical est pourri", glisse M. Oussedik. Même à Force ouvrière, où la neutralité politique prime, les cadres voient monter le FN avec inquiétude. "Nous avons des réunions de militants où on nous dit que droite et gauche c'est la même chose. Il y a également une très forte amertume des salariés par rapport à François Hollande", assure un proche de Jean-Claude Mailly, qui requiert l'anonymat sur ce sujet sensible.

"ON NE PEUT PAS MILITER AU FN ET ÊTRE À LA CGT"

Jusqu'ici, les syndicats pratiquent l'exclusion systématique des militants affichant un engagement au FN. Du moins quand il devient public, comme lors des cantonales de 2011 où CFDT, CGT et FO avaient chacun exclut des militants qui s'étaient présentés sous l'étiquette frontiste. Les élections municipales de mars 2014, avec leurs innombrables candidats sur tout le territoire, devraient inévitablement entraîner de nouveaux cas. "Il n'est pas impossible que les discours FN tentent certains de nos 700 000 adhérents, notamment dans les petites entreprises", admet M. Malys.

"Bien sûr qu'on a des syndiqués qui votent FN !", abonde Mme Naton, mais la règle reste la même : "Il n'est pas question de se revendiquer de la CGT en se présentant à une élection et on hésite beaucoup moins à exclure avec le FN". Malgré la progression du FN dans ses rangs, la CGT estime être en mesure de maintenir cette digue, qu'elle n'applique pas avec les partis de gauche. "C'est tout simplement incompatible avec nos valeurs : on ne peut pas militer au FN et être à la CGT", défend M. Oussedik.

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Face au risque du Front national, les syndicats réfléchissent à amplifier l'initiative commune de mars 2011, où CGT, CFDT, FSU, Unsa et Solidaires (mais pas FO ni CFTC) avaient signé un communiqué affirmant solennellement que "la thèse de la préférence nationale est antinomique avec les valeurs fondamentales du syndicalisme". La CGT et FSU doivent se retrouver le 23 septembre dans le but d'organiser un grand événement anti-FN sur deux jours en janvier 2014. "Le but serait d'avoir une expression forte de tous les secrétaires généraux, avec le lendemain des ateliers avec nos militants pour croiser nos expériences", explique Mme Naton.
L'occasion également de travailler sur un argumentaire qui pourrait servir aux militants syndicaux pour démonter les thèses du Front national dans les entreprises, notamment sur le virage social opéré par Mme Le Pen.

ECHEC DE LA MOBILISATION SYNDICALE DU 10 SEPTEMBRE

"On n'entend pas beaucoup le FN sur les retraites, alors qu'il demandait l'intervention de la police et de l'armée en 2010. Il faut rappeler son idéologie libérale et anti-service public", estime M. Oussedik. La CFDT réserve de son côté encore sa réponse sur une éventuelle participation à ce meeting commun. "Nous pensons que notre capacité à répondre au FN passe aussi par notre capacité à apporter des solutions concrètes aux salariés. Nous n'irons pas simplement pour dénoncer le FN avec toujours les mêmes arguments. On a l'impression que le logiciel de réponse est resté au stade du FN de Jean-Marie Le Pen", explique M. Malys, qui envisage plutôt pour l'instant "un tour de France" sur le terrain pour mener des entretiens poussés avec les adhérents pour comprendre ce qui peut séduire dans les thèses de Marine Le Pen.

Le problème FN est d'autant plus aigu pour les syndicats qu'il pose la question de leur capacité à relayer le mécontentement social, comme l'a montré l'échec de la mobilisation du 10 septembre contre la réforme des retraites. "Les salariés sont déçus par la gauche, mais ils n'ont pas forcément les moyens de venir manifester. Il y a un sentiment de fatalisme, qui n'est vraiment pas sain", justifie-t-on à FO. Mais d'autres syndicalistes ne cachent plus leur doute. "Il faut peut-être qu'on se demande si l'action syndicale traditionnelle via l'organisation de rassemblements est toujours la plus pertinente. On doit aller beaucoup plus sur le terrain à la rencontre des salariés et de leurs inquiétudes", défend Bernadette Groison, la secrétaire générale de la FSU.

La CGT ne partage pas du tout cette analyse, renvoyant la responsabilité de la hausse du FN aux politiques. " Le mouvement syndical ne peut pas à lui tout seul porter la bataille contre le FN s'il y a pas d'alternative politique. Il faut que le gouvernement améliore enfin le quotidien des gens !", plaide M. Oussedik.

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