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La suppression des contrats aidés est elle vraiment une mauvaise chose ?


Le gouvernement Philippe l’avait promis, Pénicaud l’a fait : les contrats aidés sont fortement ralentis, voire stoppés dans certains cas. Le ministère du Travail demande aux préfets de « stopper » les emplois aidés à destination du secteur non-marchand (associations en particulier), seule l’éducation nationale reste réceptacle pour ces emplois soutenus, qui utilise notamment ces contrats pour le personnel accompagnant les élèves handicapés, et la police, avec ses agents de sécurité [1].
Alors que mi juillet, le gouvernement avait consenti une rallonge de 13000 emplois aidés pour assurer les engagements du gouvernement précédent qui avait sous estimé les financements tout en augmentant les propositions de contrats (Source). Mais sur l’année 2017, ils ont baissé de près de 12% sur un an, dont 64 000 sur le premier trimestre 2017. Pour les contrats initiative emploi (CUI-CIE) seuls, depuis janvier 2017 la DARES a enregistré une diminution de 63% des nouveaux contrats, par rapport à la même période en 2016.
Il en reste à mi année environ 110 000 (financés) dont 70 000 sont pris par l’Education Nationale. Le reliquat sera pour les entreprises et les associations. Le gouvernement veut faire des économies sur ce dispositif et orienter l’argent vers la formation, arguant de mauvais résultats d’insertion de ce type de dispositifs et préférant former les gens.

Sur les contrats aidés, il y a 4 éléments à prendre en compte selon moi.

1. Ils doivent rester des contrats permettant un retour à l’emploi (plus) stable pour des personnes en difficulté sur le marché du travail. Rupture professionnelle, rupture sociale, remise à niveau, la puissance publique subventionne l’embauche à durée déterminée pour palier la carence individuelle du recruté sur le marché du travail. Ma formulation est un peu froide, mais en langage plus cru, cela donnerait que la personne n’est pas employable dans l’état sur un marché libéralisé du travail, donc la puissance publique donne une carotte pour que le recruteur soit attiré sur l’aspect économique et soit moins regardant sur l’aspect professionnel.
Or, depuis plusieurs années, ils sont utilisés comme outil de baisse du chômage sectorielle : les jeunes, les seniors,... On peut effectivement dire que ces deux catégories sont en déficit d’employabilité sur le marché du travail (manque d’expérience ou mauvaise image professionnelle).

2. Le taux d’insertion stable à la sortie est mitigé. Au regard du coût, les pouvoirs publics en attendent plus. La Dares, le service d’études et statistiques du ministère du Travail, estime que « l’utilisation des contrats aidés, notamment dans le secteur non marchand, peut soutenir l’emploi à court terme ». C’est une façon autre de subventionner le secteur associatif, qui dans tous les cas, n’est pas toujours en mesure de trouver les financements à des postes bien souvent peu ou pas productifs (et donc totalement coûteux) mais à fort impact relationnel ou social sur un territoire ou auprès d’une population. Supprimer des agents d’accueil ou des accompagnateurs scolaires a un impact immédiat et mesurable socialement. Économiquement (comptablement), c’est effectivement une charge totale, et on touche du doigt (de nouveau) la question du service public et du service au public. Le communiqué de presse de Force Ouvrière [2], "accroître le nombre de contrats aidés en période de ralentissement économiques a des effets favorables sur l’emploi et le chômage. Les emplois d’avenir notamment, ont permis à plus de 50% des bénéficiaires d’être en emploi 6 mois après la fin de leur contrat, et en emploi durable pour 37% d’entre eux". On voit bien là la double qualité des contrats aidés (et l’introduction à mon 3ième point) : c’est un outil d’insertion, et donc il joue son rôle, et c’est un amortisseur social par la mise en activité de personnes potentiellement enfermées dans une spirale de chômage.

3. Les contrats aidés sont un dispositif social et non professionnel. Permettre de faire travailler des personnes éloignées de l’emploi pour des raisons d’inadéquation entre un niveau exigé par le marché du travail (côté offreurs d’opportunités) et un niveau proposé (côté offreurs de compétences). Pour des raisons X et Y, on ne peut pas travailler : maladies, addictions, soucis psychiatriques, ... Et ces contrats plus souples peuvent permettre d’insérer ces populations.
Ce qui s’est passé depuis 20 ans est que les différents gouvernements les a considéré comme des dispositifs permettant de faire baisser la sacro-sainte courbe du chômage. Peu importe les bénéficiaires, il fallait qu’ils sortent des statistiques et les contrats aidés sont devenus des contrats de travail de droit privé à bas coût permettant à des gens de travailler (c’est bien) et des entreprises d’embaucher à moins cher et sans la contrainte du CDI [3]. Fléxibilité et précarité, moindre coût et main d’oeuvre docile...

4. Parlons à des employeurs. Même les plus sincères dans la démarche vont dire à un moment que ces contrats sont une opportunité d’embauche à moindre coût. D’autant que le dispositif permet de trouver des personnes qualifiées (voire très) dans la population jeune. On peut donc avoir un bac + 5 qui nous coûtent 400 euros par mois. Et je ne parlerais ni des services civiques ou des emplois d’avenir...
La vision induite par les contrats aidés "ouverts à une population large" est que la difficulté d’embaucher est le coût. La preuve, si on baisse le coût par une subvention venant prendre en charge une partie du salaire et des charges, on peut recruter des compétences qui resteraient sur les bords du marché du travail. Et c’est pour cela que quand on parle "contrats aidés", il ne faut surtout pas oublier que des entreprises lucratives les utilisent, avec des taux de subvention différents, mais elles les utilisent. Pas que les administrations ou les associations !

En conclusion, le contrat aidé doit redevenir ce qu’il était, un contrat d’insertion, vu sur un aspect social et non "compétences professionnelles". Cela doit redevenir un contrat d’aide à l’emploi pour des populations vulnérables et non pas forcément inemployées. D’autant que les dispositifs viennent exempter les recruteurs du paiement des cotisations sociales, et cela sans que l’Etat compense, créant ainsi le déficit de la sécurité sociale si bien décriée par les libéraux.
Coût du travail + déficit de la CQ, on imagine bien les frottements de main côté MEDEF.
Quelle arrogance quand on sait que nombre d’entre eux ont pour finalité une utilité publique, notamment concernant les associations. 7500 € par emploi, n’est-il pas moins élevé que le montant du CICE de 340 000 € par emploi, bien souvent au seul profit des entreprises du CAC 40, sans autre résultat que de nourrir les dividendes versés aux actionnaires.

Le gouvernement se trompe en appliquant une simple vision comptable de l’emploi. Ce n’est pas qu’un mélange de compétences et d’opportunités qui se rencontrent, vision des libéraux avec la main invisible du marché qui régit ces rencontres et déterminent le prix d’équilibre (le salaire négocié). Travailler est aussi s’affranchir des servitudes du quotidien en allant vers les autres, en rencontrant les autres, en partageant des moments en commun (transports, repas, ...), sentir participer à une dynamique collective,... Et cela repose sur des sensibilités, des envies, des valeurs, des cultures,... Personne n’est «  inemployable  » !

Enfin, pour moi, cela requestionne l’idée idiote dans notre monde que le plein emploi est encore possible. Par souhait, par impossibilité, tout le monde ne travaillera pas, et de moins en moins. On produit plus avec moins et plus vite. La décroissance peut permettre de limiter cet état de fait, mais malgré tout, il faudra bien penser un jour à la place du travail rémunéré vision 20ième siècle dans nos sociétés post industrielles mondialisées !
Je le pense sincèrement, il faudrait remettre en réflexion les entreprises d’Etat ou de collectivités territoriales. L’expérimentation "territoires zéro chômeur" est intéressante et proche de mon idée : créer des entreprises avec un monopole temporaire permettant de répondre à un ou des besoins sociétaux sur un territoire. A la Colbert, ou à la ATD Quart Monde, je pense qu’il y a une obligation morale de créer des outils spécifiques et intermédiaires pour les demandeurs d’emploi, ces postes seraient subventionnés pour partie car c’est le rôle de l’Etat de redistribuer pour améliorer le sort des citoyens.


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[1On notera l’utilisation de contrats précaires de droit privé sur des postes relevant normalement de la fonction publique Etat ou territorialisée

[2Seul syndicat ayant officiellement réagi de façon officielle et publique

[3Pour rappel, les contrats aidés sont tous des CDD


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A propos de Le blog de Guillaume
Ma formation initiale est un parcours supérieur dans les sciences humaines et le travail social, car je place l’humain au centre de toutes mes réflexions et souhaits d’agir.Retour ligne automatique Intéressé par l’insertion professionnelle à l’origine, mon intérêt pour le 19ième siècle et l’émergence (...)
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