vendredi, 29 mars 2024|

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« Je suis un lien faible et je ne me soigne pas ! », réflexions sur la théorie des liens faibles de Mark Granovetter à la recherche d’emploi et aux réseaux sociaux...

Date de publication :
Mots clés :
  • Psychologie sociale
  • Réseaux sociaux
  • Sociologie

  • Depuis de longues années, durant lesquelles j’ai usé mes doigts, oreilles et chaussures dans les associations, groupes et autres collectifs plus ou moins formels, j’ai pu m’apercevoir d’une distinction forte entre deux principaux groupes de contacts autour de moi.
    D’un côté, il y a les proches : les amis, la famille, ma conjointe. Et les autres. Rien de bien extraordinaire dans ce que je présente là.
    Mais mon côté curieux, mes restes de sociologie et mon attrait pour la psychologie sociale m’ont poussé à étudier cette séparation, avec un axe particulier : leur force pour moi.

    Clairement, le groupe des « proches » possède la force de me ressourcer. Mes différentes activités (Politique, associative, professionnelle) me conduisent à prendre des risques, à me « mettre en danger », à me dépasser constamment, et donc à me brûler, me consumer de l’intérieur, m’épuiser. Rentrer chez moi, parler à ma conjointe, de tout, de rien, passer une heure à ses côtés, même sans parler [1] remontent mes batteries pour repartir le lendemain ou la semaine d’après pour de « nouvelles aventures ! Si j’élargis le cercle de ces proches, me retrouver avec mes enfants [2], aussi peu intéressant [3] que ce soit, ces moments sont positifs et donc énergisants pour moi [4]. Alors, oui, sur la forme, on peut trainer des pieds, se plaindre du non-intérêt d’aller à tel ou tel endroit [5], mais sur le fond, les batteries se chargent de ces bonnes émotions ! Et pour les amis, rien ne vaut une bonne soirée de rigolade après une semaine intense pour recharger le réservoir des bonnes émotions et repartir le nez dans les ennuis hebdomadaires !

    Le groupe des « autres », des « non proches », ils apportent du relationnel, de l’information, du contact, du feedback [6], de la gloire, des emmerdes, … Bref, la vie sociale ! J’ai besoin de ces contacts pour avancer [7]. Ils me rassurent sur mes pensées et réflexions [8], ils me recadrent quand je m’éloigne, ils m’enrichissent de leurs pensées et réflexions, ils m’apportent des éléments de réponses à mes questionnements, … Et leur force provient de la faiblesse de notre relation. En effet, eux [9] ne me connaissent pas, ou peu, et donc ne projettent pas, ou peu, de représentations sur moi. Ils ne me connaissent pas dans l’intimité, et ne le souhaitent pas, notre relation pourrait être qualifiée de superficielle, sans aucun jugement de valeur derrière. Et c’est paradoxalement ce qui en fait une force, leur force !

    Mettons des mots sociologiques derrière mes propos, qui ne le sont que très peu... Et appuyons nous sur les travaux de Mark Granovetter sur la théorie des liens faibles [10] dans la structure sociale...

    Mon groupe des « proches » est un groupe de liens forts. Le groupe des « autres » est un groupe de liens faibles. D’un point de vue structurel, ces derniers constituent une base d’échange, de rencontre et de communication forte et davantage disposée à l’interaction ou au lien social qu’un lien fort. On pourrait penser que c’est paradoxal, mais Granovetter l’explique selon quelques critères de comparaison simples :
    - la fréquence : on consacre plus de temps à un lien fort
    - l’intimité (évidente) qui est absente dans un lien faible
    - l’émotion, l’empathie sont les caractères des liens forts et non des faibles
    - la réciprocité des services rendus plus élevée dans un lien fort

    Si l’on compare les liens faibles et les liens forts sur la base de ces éléments, on comprend aisément que les liens faibles auront tendance, par nature, à permettre et développer l’échange plus ouvert, et par là, la circulation d’une information plus aisée. A l’inverse, les liens forts, parce qu’ils sont enfermés dans des réciprocités attendues et une intimité plus poussée, ne seront pas très ouverts sur l’échange simple, voire carrément, auront tendance à se replier sur eux mêmes. Et par conséquent, à être assez peu objectifs entre eux...
    De plus, la fréquence de rencontres entre les liens faibles les poussent à communiquer plus et plus rapidement. Et donc, avec moins de « retenues » que les liens forts. Conclusion : les liens faibles sont beaucoup plus utiles que les liens forts dans la construction d’une structure sociale ! Selon Granovetter, les « liens faibles servent bien souvent à jeter des ponts locaux entre des ensemble d’acteurs qui autrement seraient isolés, ou encore qui ne pourraient se rejoindre que par des détours beaucoup plus longs ». [11] Les liens faibles sont donc dans la relation sociale, un élément beaucoup plus importants que les liens forts, car ils sont plus simples, donc plus courts. Leur disparition pour un acteur social l’isole encore plus et nuit à un grand nombre d’autres liens faibles.

    J’utilise cette notion dans nos interventions en recherche d’emploi. J’explique qu’il vaut mieux privilégier les liens faibles dans la recherche d’emploi. On peut plaquer ces propos à la (fameuse) notion de « réseau » pour trouver du boulot. Ce n’est bien entendu pas faux. Et cela peut être étendu aux réseaux sociaux sur internet [12]. Concrètement ? Un lien fort aura tendance à projeter ses représentations de votre personnalité professionnelle sur les offres qui éventuellement lui passeraient entre les mains : « Non, ce n’est pas pour lui/elle, le salaire est trop bas / les missions vont l’ennuyer rapidement / L’entreprise ne la satisfera pas ». Le lien faible ne jugera pas, il transmettra ! Et les ponts de communication seront donc plus nombreux, augmentant vos chances de recueillir l’offre. C’est l’effet de structure sociale qui prime, et non la motivation à faire ! C’est pour cela que j’explique partout que faire « suppr » ou « delete » sur un mail contenant une offre d’emploi est tout à fait antisocial et contreproductif pour l’emploi. En effet, en appuyant sur (maudite) touche, vous arrêtez le développement de la structure sociale de communication de cette offre d’emploi, nuisant de fait à la découverte par d’autres de cette information. Et de finir en proposant de l’envoyer à Ressources Solidaires ! Pourquoi ? Parce que nous sommes un développeur de liens faibles ! Un site internet agrège une communauté d’intérêt, affinitaire, qui sont autant de liens faibles, qui sont autant de médias différents pour une information. C’est tout le sens des « boutons » que l’on voit fleurir sur les sites permettant le partage [13]... Le web 2.0 a permis l’essor du « tous journaliste », il a aussi permis l’essor du « tous liens faibles » par l’idée de partage, car chacun d’entre nous est un mégaphone permettant d’amplifier la circulation de l’information. C’est entre autres la grande force de twitter...

    Souvent, mes relations qui ne sont pas sur les réseaux sociaux, me posent la question de l’intérêt que j’y trouve à poster des « états d’âme », des humeurs et à lire les infos des autres. Le « je n’en vois pas l’intérêt » est justement tout l’intérêt ! Si je compte à la louche les personnes avec qui je suis en interrelation, entre les investissements associatifs, mes blogs [14], les réseaux sociaux et les contacts personnels et professionnels, j’estime à environ 30 000 personnes qui lisent ou entendent du « Guillaume Chocteau ». Mais tout comme sur facebook, on a en moyenne 250 amis [15], mais simplement 4 en relation régulière [16], je ne connais bien entendu pas le quart de la moitié de ces personnes... Et ces personnes m’alimentent sans cesse de leurs réflexions, de leurs idées, de leurs réponses à des questions, … Tout l’intérêt est justement de positionner chacun dans le bon camp, et de laisser perméable les frontières entre les liens faibles et les liens forts, car certains peuvent passer d’un camp à l’autre. Toute la question sera de pouvoir suivre le flux d’information, sachant qu’il faut être humble et accepter dès le début qu’une partie de l’info [17] sera perdue dans un premier temps, mais que si vos liens faibles fonctionnent bien, l’info fondamentale reviendra, car les connexions entre vos liens faibles permettront que l’info revienne par un autre lien faible ! Si l’on couple cette théorie des liens faibles à celle de la « théorie des 6 degrés de séparation », on voit tout à fait la force des liens faibles. En effet, la théorie des 6 degrés de séparation explique que tout individu peut être relié à n’importe quel autre par au maximum 6 degrés de séparation. (6,2 en réalité si on veut être exact). Un contact essentiel pour moi se trouve FORCEMENT à 6 degrés maximum de séparation de moi. D’où l’utilité des liens faibles, ponts entre des cercles inconnus, mais qui me rapprochent de mon objectif...

    En conclusion... Dans votre recherche d’emploi, l’énergie est à dépenser sur le développement de vos liens faibles, et non de privilégier quelques liens forts : abonnement à des sites d’emploi, assister à des conférences en lien avec votre activité (Et intervenir), participer à des clubs de demandeurs d’emploi, faire du bénévolat, donner des coups de mains, …
    Dans votre vie sociale, ne négliger pas les liens faibles qui vous permettront d’être intégré dans une structuration sociale plus ou moins formelle [18], qui vous apportera information, notoriété, réflexion et contacts sociaux. Le fait pour un lien faible, d’être à la frontière entre plusieurs cercles de relations, plusieurs réseaux, permet d’être un pont entre des cercles qui s’ignoraient. Le lien faible est donc facteur de cohésion sociale, au contraire du lien fort.
    Et sur les réseaux sociaux, n’oubliez pas que votre information intéresse tout autant que celle que vous lisez vous intéresse. Savoir que machin s’est levé du mauvais pied ou que machine a été voir tel film au cinéma, permet de consolider l’idée que nous vivons dans la même société, avec ses imperfections et ses admirations, et qu’en soi, nous sommes tous des êtres sociaux. Quelque soit le réseau social utilisé [19], le but de chacun d’entre eux est et reste la mise en relation !


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    [1Devant la télé ou à lire

    [2Pour des courses ou un échange sur la journée passée

    [3Dans le contenu

    [4Même les courses pour aller acheter des chaussures !

    [5Car quelques fois, on préfère tout de même rester à lire tout seul, que d’aller avec les enfants, faire d’autres choses

    [6Ce troisième côté du triangle de la relation, ce retour qui permet de connaître la pertinence et la probité du propos !

    [7aussi

    [8Ce blog en est un outil

    [9Et réciproquement moi

    [10et des liens forts

    [11Pour ceux qui sont sur Viadeo, quand on cherche un contact, le site nous montre le « chemin des contacts » pour l’atteindre. C’est un peu le « chemin des liens faibles »...

    [12Facebook et autres twitter...

    [13« addthis » étant un très connu, ces boutons permettent de partager (share en anglais) l’article via différents outils ? mail, twitter, facebook, …

    [14Perso et pro

    [15Liens faibles ?

    [16Liens forts ?

    [17majeure partie

    [18Quelle tristesse de ne pas recevoir les conneries par mail, genre blagues vaseuses ou diaporamas éculés ! Pourtant, on râle de se voir polluer sa boite...

    [19Chaque site de réseautage social possède ses caractéristiques, sa population, ses outils, …


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    A propos de Le blog de Guillaume
    Ma formation initiale est un parcours supérieur dans les sciences humaines et le travail social, car je place l’humain au centre de toutes mes réflexions et souhaits d’agir.Retour ligne automatique Intéressé par l’insertion professionnelle à l’origine, mon intérêt pour le 19ième siècle et l’émergence (...)
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